Alimentation étudiante : comprendre les leviers d'un enjeu majeur

En France, l’alimentation des étudiants est devenue un enjeu de santé publique et de durabilité. Des travaux récents menés par des chercheurs français ont dressé un état des lieux de la situation et identifié les principaux facteurs qui influencent les comportements alimentaires. Ces résultats ont permis de concevoir un outil de sensibilisation original : la Fresque de l’Alimentation Étudiante.

État des lieux de l’alimentation étudiante

Une enquête nationale réalisée en 2023 a montré que 20 % des étudiants déclaraient rencontrer des difficultés financières les empêchant de subvenir à leurs besoins essentiels, tandis que 13 % se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire quantitative et 33 % en insécurité alimentaire qualitative.

L’enquête Budget des familles de l’Insee (2011) révélait déjà que les étudiants consacrent la moitié de leurs dépenses alimentaires aux repas pris hors domicile (contre 25 % pour les 35-64 ans), principalement dans les restaurants universitaires, la restauration rapide et les cafés.

Plusieurs études menées ces dernières années ont également montré que le respect des recommandations nutritionnelles du PNNS reste très limité parmi la population étudiante. D’autres travaux identifient des profils alimentaires très contrastés, allant d’une alimentation « saine et durable » à des pratiques beaucoup moins vertueuses, tant sur le plan nutritionnel qu’environnemental. Enfin, l’article souligne une augmentation des troubles du comportement alimentaire et une hausse de la prévalence de l’obésité chez les étudiants.

Les déterminants de l’alimentation étudiante

Les chercheurs ont identifié un ensemble de facteurs influençant l’alimentation étudiante, regroupés en trois grandes catégories :

1. Les facteurs individuels

Certains facteurs personnels — le sexe, l’âge ou le niveau d’études — sont associés à des différences de comportement. L’association avec le statut socioéconomique apparaît plus complexe à établir.
Les connaissances en nutrition, les compétences culinaires et les motivations liées à la santé ou à l’environnement favoriseraient globalement une alimentation plus équilibrée et durable. À l’inverse, le stress et la pression académique tendent à dégrader la qualité des choix alimentaires.

2. Les facteurs interpersonnels

Le cadre de vie exerce une influence déterminante : la « décohabitation » (le fait de ne plus habiter chez ses parents), vivre seul (vs. en couple ou en colocation) ou l’absence d’équipements de cuisine seraient associés à une alimentation de moindre qualité.
L’environnement parental joue aussi un rôle : habiter près de ses parents, bénéficier d’un niveau socioéconomique familial plus élevé ou avoir reçu une éducation alimentaire équilibrée sont autant de facteurs protecteurs. Enfin, l’appartenance à un groupe façonnerait les pratiques : les repas entre pairs peuvent encourager la convivialité, mais aussi favoriser des choix moins sains.

3. Les facteurs environnementaux et politiques

L’offre alimentaire sur et autour des campus influencerait directement les comportements : prix, accessibilité, disponibilité de repas sains ou attractivité de la restauration rapide.
Les publicités et les réseaux sociaux ajoutent une pression supplémentaire en diffusant des modèles alimentaires et esthétiques souvent éloignés d’un équilibre nutritionnel.
Enfin, les politiques publiques et le cadre réglementaire joueraient un rôle crucial dans l’accès à une alimentation de qualité et abordable.

De la recherche à l’action : la Fresque de l’Alimentation Étudiante

Pour transformer ces constats en leviers d’action, les chercheurs ont hiérarchisé ces déterminants selon leur caractère modifiable et leur impact à l’échelle de la population puis ont co-construit avec les étudiants un atelier participatif : la Fresque de l’Alimentation Étudiante. Inspirée de la Fresque du Climat, elle propose un format ludique et collectif pour comprendre les déterminants de l’alimentation et identifier des pistes concrètes d’amélioration, à la fois individuelles et collectives.

L’innovation alimentaire passe aujourd’hui par la compréhension fine des comportements et des contextes qui façonnent les choix. En impliquant les étudiants dans cette réflexion, la recherche ouvre la voie à des solutions saines, durables et adaptées.

Source : Alice Bellicha, Henri Dehove, Hélène Charreire, Hajar El Karmouni, Lucile Marty, Aurélie Maurice, Caroline Méjean, Sandrine Péneau,
Alimentation étudiante : de l’état des lieux à la co-construction d’un outil participatif « Fresque de l’Alimentation Étudiante , Cahiers de Nutrition et de Diététique, Volume 60, Issue 5, 2025, https://doi.org/10.1016/j.cnd.2025.05.004

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